Interview d`un expert
«Il n’y aura pas de disrupteur type Uber dans le bâtiment»9 avril 2021 | Images: ConReal, iStock
Stefan Schärer est directeur général de ConReal Swiss AG, l’écosystème numérique du secteur du bâtiment et de l’immobilier. Il est également associé dans plusieurs startups de la PropTech et Construction Tech. En tant qu’expert de la numérisation, il nous parle de la situation du secteur en la matière et de ses perspectives pour l’avenir.
Est-il vrai que la numérisation avance plus lentement dans le secteur du bâtiment et de l’immobilier que dans d’autres secteurs? Si oui, à quoi est-ce dû?
Oui, c’est vrai. Et ce, pour plusieurs raisons. La première est liée à la forte fragmentation du processus de construction. Il n’existe aujourd’hui aucun processus de construction standardisé. Chaque chantier est différent, ce qui augmente la complexité. De plus, les petites entreprises du bâtiment prenant part aux travaux ont d’autres priorités que la numérisation. Elles ne disposent pas des ressources auxquelles ont accès les plus grandes entreprises. Elles manquent d’experts ou du budget nécessaire pour s’offrir les outils adéquats.
Comment les PME peuvent-elles suivre la cadence des grandes entreprises malgré leurs ressources plus limitées?
C’est exactement le sujet qui anime notre entreprise ConReal. Le but de notre écosystème est d’équiper les PME d’une boîte à outils de solutions numériques complètes. Celle-ci comprend par exemple des processus d’exécution ou un mélange d’une partie logiciel et d’une partie «Business as a Service». Concrètement, nous prenons en charge les tâches administratives de la petite entreprise grâce à des logiciels et de la main d’œuvre afin qu’elle puisse se concentrer sur son cœur de métier.
Dans quels domaines du secteur du bâtiment et de l’immobilier la numérisation est-elle en avance, et où est-elle à la traîne?
Certains secteurs ont lancé très tôt leur numérisation. Par exemple, les architectes travaillent depuis des années avec des programmes CAD pour la visualisation. Il est normal que les secteurs ayant un niveau de service élevé puissent être numérisés plus facilement que ceux dont les tâches sont de nature physique.
Avez-vous une réponse à cette question?
Et que nous réserve l’avenir?
Dans certains secteurs du marché, il y aura très certainement une possibilité pour de nouveaux modèles d’affaires. Je ne m’attends cependant pas à de vraies ruptures comme celle qu’a provoquée Uber, par exemple. Il existe des innovations fascinantes comme par exemple ces maisons qui sortent pratiquement d’une imprimante, mais elles ne seront à mon avis pas applicables en Suisse, le pays étant trop petit. En revanche, des processus numérisés dans la construction en bois existent déjà, qui couvrent la planification, le pilotage des machines de production et la livraison des éléments prêts à l’emploi. L’objectif devrait être d’augmenter la productivité des processus existants de 1% à 3 à 5% par an grâce à la numérisation. Nous nous en rapprocherons graduellement.
Est-il réaliste d’imaginer un écosystème unique qui rassemblerait toutes les étapes du secteur du bâtiment et de l’immobilier?
Non, je ne pense pas, car la COMCO (Commission de la concurrence, NDLR) interviendrait pour cause de monopole. En outre, la liberté du choix de la solution et la transparence restent des facteurs importants dans tous les domaines. C’est pour cette raison que je suis convaincu qu’il y aura plusieurs écosystèmes qui, idéalement, travailleront ensemble.
Quel est le moteur du progrès dans le secteur du bâtiment et de l’immobilier?
À mon sens, ce sont souvent les petites startups qui changent la donne grâce à des solutions innovantes et qui ont la possibilité d’agir rapidement. Les grandes entreprises ont, de par leurs ressources, qu’il s’agisse d’experts ou de moyens financiers, le potentiel pour soutenir ces startups. En ce qui concerne la concurrence étrangère, nous sommes mieux protégés dans ce secteur. Pour les concurrents étrangers, une entrée sur le marché suisse n’est pas nécessairement lucrative en raison du plurilinguisme, des règlements de nature différente et de la taille du pays. Ils peuvent éventuellement tirer profit des économies d’échelle pour rentabiliser leur entrée sur le marché.
Quelles sont les conditions requises pour innover?
Les innovations se basent sur une intelligence croissante. Pour atteindre ce but, les systèmes doivent pouvoir traiter une quantité croissante de données. La possibilité d’échanger des données tient donc un rôle majeur. Comme je l’ai déjà indiqué, cela nécessite des interfaces ouvertes, mais également de grandes capacités de calcul ainsi que l’intégration d’un réseau de communication stable. Pour utiliser de nouvelles technologies telles que la réalité augmentée et d’autres outils de collaboration, les différents acteurs participant à la construction sont tributaires de la connectivité. Des standards de réseau comme la 5G, qui permettent une transmission de données en temps réel, sont ainsi fondamentaux pour le progrès numérique.
Quel est le rôle du changement de culture?
Voilà un sujet on ne peut plus actuel en raison de la crise liée au coronavirus. Ces derniers mois, nous avons assisté à une explosion de la numérisation dans notre quotidien, favorisant par là même sa meilleure acceptation. Je pense que grâce à cette période, nous avons déjà dépassé un obstacle majeur.
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